dimanche 2 octobre 2011

Napoleon dans le miroir imaginaire de Riemann

Merci à Hélène d'avoir évoqué l'influence réciproque entre des cultures française et allemande (et peut-être italienne? :-) tant qu'on est en Suisse), cette influence qui devrait nourrir notre réflexion tant dans le domaine de l'éducation que dans la direction que prendrait le futur Haut Conseil Franco Allemand, Conseil que Dominique de Villepin considère comme un jalon indispensable sur la route de la réunification réussie française et allemande


« Le miroir imaginaire de Riemann »


En 1809, GUILLOM FON HUMBOLD devint ministre de l'éducation du royaume de Prusse.

Dans une lettre adressée à Goethe en 1816, il déclarait: « Je me suis ici grandement occupé des sciences, mais j'ai profondément ressenti le pouvoir qu'a toujours exercé sur moi l'Antiquité. Tout ce qui est nouveau me dégoute... » Humbold préconisait éloigner des sciences en tant que moyen à parvenir à une fin, et de revenir à une tradition plus classique de la poursuite de la connaissance pour elle-même. Les précédents programmes d'enseignement avaient pour but de fournir de fonctionnaires pour la plus grande gloire de la Prusse. Dorénavant, l'accent serait mis sur une éducation au service l'individu plutôt que l'Etat.


Dans son rôle de penseur et de haut fonctionnaire, Humbold déclencha une révolution aux répercussion profondes. De nouveau établissements scolaires, les « Gymnasiums », furent crées dans toute la Prusse et dans l'Etat voisin de Hanovre. Les enseignants de ces lycées ne devraient finalement plus provenir du clergé, comme dans l'ancien système, mais des nouvelles universités et des écoles polytechniques fondées pendant cette période..... »


et à l'auteur du livre de continuer [DaDa, je pense que ce pourrait servir d'un bon complément au débat inachevé concernant le rôle des Mathématiques. Le débat qui s'est déroulé l'année dernière, sur le mur de Sully - j'espère bien qu'il a été conservé dans les archives de VCom]


« … Pour la première fois, l'étude des mathématiques devait constituer une partie essentielle du cursus dans les nouveaux Gymnasiums et universités. Les élèves étaient encouragés à étudier les mathématiques pour elles-mêmes, et non plus simplement comme l'outil d'autre sciences. Le contraste était saisissant par rapport aux réformes de l'enseignement imposées par Napoléon qui estimait que la maîtrise des mathématiques était nécessaire pour que la France puisse atteindre ses objectifs militaires. Carl Jacobi, l'un des professeur de Berlin, écrivit à Legendre à Paris en 1830, à propos du mathématicien français Joseph Fourier, qui avait reproché à l'école de pensée allemande d'ignorer les problèmes plus pratiques :


«Il est vrai que Fourier était d'avis que l'objet principal des mathématiques était l'usage publique et l'explication des phénomènes naturels. Mais un philosophe comme lui aurait dû savoir que l'unique objet de la science est d'honorer l'esprit humain, et qu'à cet égard, un problème de la théorie des nombres a autant de valeur qu'un problème sur le système de monde. »


Aux yeux de Napoléon, c'était par l'éducation qu'on finirait par se défaire des règles obscures de l'Ancien régime. L'importance qu'il accordait à l'enseignement en tant qu'ossature de la nouvelle France qu'il comptait édifier, avait entrainé la création à Paris des instituts encore réputés de nos jours. Non seulement ces collèges pratiquaient-ils la méritocratie en offrant aux étudiants de toutes origines la possibilité de suivre les cours, mais en outre la philosophie éducative mettait d'avantage l'accent sur l'enseignement de la science au service de la société. Un des commissaires régionaux de la France révolutionnaire écrivait à un professeur de mathématiques en 1794, lui recommandant d'enseigner l'arithmétique républicaine [ :-))) NDLR] :


« Citoyen. La Révolution ne se contente pas d'améliorer notre moralité et d'ouvrir la voie à notre bonheur et à celui des générations futures, elle libère également de ses chaînes le progrès scientifique »


L'approche de Humbold était très différente de la philosophie utilitaire qui prévalait de l'autre côté de la frontière. L'effet libérateur de la révolution éducative allemande allait avoir un impact considérable sur la compréhension par les mathématiciens de bien des aspects de leur discipline. Elle leur permettrait d'établir un nouveau langage mathématique, plus abstrait. Et elle révolutionnerait en particulier l'étude des nombres premiers...



Marcus du Sautoy, La symphonie des nombres premiers, Chapitre 3, pages 95 - 97


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